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Pour Fatoumata Bâ, fondatrice et présidente de Janngo Capital, il n’y a pas à choisir entre profit et impact social : les deux sont possibles et en même temps ! Cela passe par la création d'entreprises commercialement viables, qui paieront des taxes, emploieront du personnel des gens, et commerceront des produits et services utiles à la société. Dans cet épisode de Making a Difference, explorons avec cette entrepreneure convaincue et gestionnaire de fonds les solutions pour relever les défis de la création d'emplois en Afrique.
Fatoumata Bâ : Quand on regarde pourquoi il n’y a pas assez d’entrepreneurs ou de plateformes utiles, on se rend compte qu’en Afrique, on est 15 % de la population mondiale, mais on attire 1 % du montant levé en capital-risque. Je me suis dit : à un moment donné, au lieu de me plaindre, je ne suis pas une activiste, je peux devenir un investisseur. Tous les signaux qui sont des biais, ou en tout cas qui sont des risques pour les autres, moi, ce sont des éléments d’appétit !
Mina Mammeri : Fatoumata Bâ est fondatrice et présidente de Janngo Capital, une société de gestion de fonds d’investissement. Janngo, qui signifie futur en peul, participe à la création de start-ups africaines, des start-ups avec un impact social. Vous écoutez le podcast Making a Difference.
Vous avez grandi au Sénégal, étudié au Togo, puis en France. Vous avez été diplômée d’une école de commerce, et vous êtes revenue sur le continent pour l’aventure Jumia, n’est-ce pas ?
Fatoumata Bâ : Il y a près de dix ans, j’ai cofondé Jumia. Donc, j’ai lancé et dirigé Jumia en Côte d’Ivoire, puis Jumia au Nigeria. Et ensuite j’en ai piloté la performance pour une trentaine de pays, et au-delà du e-commerce, sur toutes les marques du groupe, donc e-commerce, livraison de repas à domicile, réservation d’hôtel en ligne et au-delà.
Et il y a quatre ans, je me suis dit que créer des plateformes, c’était bien, mais utiliser mon expérience, ce qu’on appelle aussi mon track record, donc ma capacité à avoir eu des réalisations concrètes d’entrepreneur pour aider à mon tour des entrepreneurs en Afrique, était vraiment ce que je voulais faire pour les années à venir.
Et donc j’ai décidé de créer Janngo, qui est un fonds d’investissement assez atypique. Donc Janngo, ça veut dire demain ou futur ou avenir, en peul. Et ce qui m’a motivé à le créer, c’est que j’ai réalisé qu’il fallait créer de manière très, très massive, en moins de 30 ans, plus de 900 millions d’emplois, donc 30 millions par an en Afrique. Alors comment créer 3 millions ? Et pour moi, l’entrepreneuriat, c’est la meilleure manière de relever ce défi.
Mina Mammeri : En vous écoutant, on ne peut pas vraiment ignorer cette impression qui ressort de façon très forte. On sent bien que vous avez le feu sacré de l’entrepreneur, mais on ressent aussi un très fort sentiment d’utilité ?
Fatoumata Bâ : C’est pas aussi, c’est le cœur, c’est la base ! D’ailleurs, c’est intéressant parce que moi qui suis Africaine, fière de l’être, qui n’ai pas d’autre passeport, je me suis quand même inspirée d’une philosophie japonaise, à un moment donné, pour réfléchir dans ma carrière. Je ne sais pas si vous connaissez, ça s’appelle l’ikigai, ça veut dire la raison d’être.
Mina Mammeri : Oui, je vois très bien !
Fatoumata Bâ : Et vous avez quatre cercles concentriques. Donc de quoi le monde a besoin ? la mission. Ce que vous aimez faire ? La passion. Ensuite, ce en quoi vous êtes fort, ils appellent ça vocation. Et ce que vous pouvez faire comme activité rémunératrice, donc la profession.
Et en fait, moi, j’ai démarré ma carrière dans une équipe de conseil en stratégie, et j’étais très, très bien payé. J’étais très, très forte, mais je me sentais un peu vide, parce qu’en fait, je conseillais surtout des entreprises françaises cotées, et donc je n’avais pas d’impact direct sur l’Afrique. Et en plus le conseil, c’est très indirect, parce que vous conseillez quelqu’un, c’est pas vous qui appuyez sur le bouton. Et moi, j’ai un sentiment d’ownership, comme disent les Anglais, voilà, de posséder les sujets, de les incarner, très très élevé.
Ensuite, je suis devenu entrepreneure. Donc ça a été incroyable, voilà, mon aventure chez Jumia en lançant un leader du e-commerce en Côte d’Ivoire, et puis en dirigeant dans d’autres pays. Mais c’est vrai que là, en l’occurrence, il y avait un impact positif parce qu’il y avait des externalités positives. Au moment, par exemple, où je quittais l’aventure, on avait déjà créé 5 000 emplois directs, près de 70 000 d’emplois indirects. Donc c’était pas mal !
Mais j’avais besoin de lancer un projet, donc Janngo, où, en fait, la mission était au centre. C’était le point de départ. C’était pas qu’une externalité positive. C’est pour ça que c’est intéressant, parce qu’en partant, du coup, des défis de l’Afrique de demain, de 2050, donc ce fameux Janngo, avenir ou futur, je me suis dit : il faut qu’on crée des emplois massivement, donc il faut qu’il y ait plus d’entrepreneurs.
Et il y avait deux autres sujets qui étaient importants pour moi aussi, qui sont l’essentiel de ma thèse d’entrepreneur et d’investisseur aujourd’hui : comment accélérer l’accès à des services ou des produits essentiels pour le plus grand nombre d’Africains ? Ça peut être la santé, ça peut être l’éducation, ça peut être les services financiers. Comment aussi accélérer l’accès au marché pour les PME [petites et moyennes entreprises], ou l’accès à la logistique pour les PME, ou l’accès au financement pour les PME.
En fait, ce sont des sujets qui sont très connectés à l’économie réelle et c’est très important, pour moi, que le modèle africain de l’investissement en capital-risque et en technologie ne soit pas une copie de modèles occidentaux, notamment de la Silicon Valley. Moi je pense que, au-delà de l’entrepreneuriat qui peut être une réponse aux défis de création d’emplois, que la technologie, ça peut être au contraire un vecteur de création d’opportunités pour le plus grand nombre.
C’était important pour moi de créer Janngo qui a, en fait je pense, deux priorités. La première, c’est l’impact économique. Parce qu’en fait, pour moi, les fonds d’investissement, ou en tout cas des acteurs qui ne regardent qu’un extrême, c’est-à-dire que le profit, ou qui ne regardent que la dimension aides… Des fois, vous entendez parler de mots que ma génération ne supporte pas, comme charité. On ne veut ni de profits prédateurs, ni d’une charité.
On veut une relation équilibrée, et équilibrée, ça veut dire des entreprises qui sont commercialement viables. Et comme elles sont commercialement viables, elles vont payer des taxes, elles vont employer des gens, elles vont rendre un service ou commercer des produits qui vont être utiles à la société.
Et la deuxième jambe, c’est l’impact social. Parce qu’en fait, nous, on a des défis d’inclusion qui sont absolument considérables. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais l’Europe a pris 150 ans pour passer de 250 millions à 750 millions d’habitants. Si on regarde par exemple la Chine, on n’y est pas encore, ça prendra à peu près 100 ans de passer de 500 millions à 1,5 milliard d’habitants. En Afrique, ça nous prend… allez, deux fois 30 ans, de passer de 600 millions à 2,5 milliards.
Donc personne n’a jamais eu à relever ce défi, de manière aussi forte, de manière aussi rapide, de manière aussi massive, tout en n’ayant pas le droit de faire comme les autres. Donc, par exemple, la Chine, elle réussit, à travers la révolution industrielle, à sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté.
C’est inspirant ! Mais nous, aujourd’hui, on nous dit qu’on ne peut pas faire avec des énergies fossiles, on ne peut pas faire ceci, on ne peut pas faire cela…
Vous écoutez Making a Difference, le podcast qui raconte l’histoire d’une Afrique dynamique.
Mina Mammeri : Quelles méthodes, solutions, éprouvées ou innovantes d’ailleurs, pourraient selon vous aider le continent dans cette transition démographique ?
Fatoumata Bâ : Moi, je suis une optimiste pragmatique, donc je me suis dit : un, il faut plus de plateformes utiles ; deux, il faut plus d’entrepreneurs. Mais derrière, quand on regarde pourquoi il n’y a pas assez d’entrepreneurs ou de plateformes utiles, on se rend compte qu’en Afrique, on est 15 % de la population mondiale, mais on attire 1 % du montant levé en capital-risque. Je me suis dit : à un moment donné, au lieu de me plaindre, je ne suis pas une activiste, je peux devenir un investisseur. Tous les signaux qui sont des biais, ou en tout cas qui sont des risques pour les autres, moi, ce sont des éléments d’appétit !
Je vous donne un exemple, ou plusieurs. Donc au-delà de cette disparité sur 15 % de la population mondiale, 1 % de montants levés, vous avez plein de disparités. Vous avez des disparités, par exemple, en termes de géographie. Il y a quatre pays qui concentrent entre 70 et 90 % de tout l’argent levé sur ces dernières années : Nigeria, Égypte, Kenya, Afrique du Sud.
Et quand on sait que la tech crée notamment de la performance économique, mais de l’impact social, ça doit être aussi à portée de main des autres pays, surtout dans les autres pays, parce qu’ils en ont peut-être encore plus besoin. Moi, le premier fonds que j’ai levé pour pouvoir investir, il a investi dans 54 % d’entrepreneurs francophones. Donc quand on les cherche, on les trouve !
De la même manière, les femmes entrepreneures en Afrique, c’est un sujet qui me tient forcément à cœur, en étant moi femme entrepreneur africaine auparavant. On a le taux le plus élevé d’activité entrepreneuriale dans le monde, avec 26 % de taux d’activité entrepreneuriale. Le pays d’ailleurs dans le monde où est le taux de femmes entrepreneures le plus élevé, c’est le Ghana, avec près de 40 %. Et pourtant, on a un déficit de financement de plus de 42 milliards de dollars !
Quand bien même on arrivait à absorber, à résoudre ce déficit de financement, mais qui ne sait prévoir qu’on créerait 300 milliards de dollars supplémentaires de PIB. Tout le monde en veut de ce PIB ! Ce n’est même plus une question d’inclusion, ou d’égalité, ou de parité, ou d’activisme, c’est une question d’opportunités économiques. Et c’est pour ça que je trouve que c’est une bonne réponse que de l’adresser en tant qu’investisseur économique.
Et puis, bon, il y a d’autres disparités… Par exemple, en général, il y a plus d’argent sur la partie aval de la chaîne de valeur. Vous avez ce qu’on appelle le capital développement, qui est un petit peu plus mature. Vous avez aussi ce qu’on appelle Late Stage VCs en anglais, en français, c’est le capital-risque, mais qui arrive lorsque les entreprises sont un petit plus matures, quand elles ont déjà généré beaucoup de revenus, quand elles sont déjà certainement profitables, etc. Et ça, c’est très développé !
En revanche, le capital-risque Early Stage en anglais, c’est-à-dire le démarrage, l’amorçage, et jusqu’aux phases de croissance, ça, c’est encore très très peu financé, et c’est la partie la plus importante ! Parce qu’en anglais, une entreprise technologique, ça s’appelle une start-up. Et la partie la plus dure, c’est starting up, c’est démarrer. Et vous avez en fait un taux d’échec de 70 % pour des start-ups dans le monde entre l’année 2 et 3.
Nous, on investit dès le début. Donc, on peut investir entre 50 000 € et 5 millions d’euros. Mais en plus, au-delà juste d’investir, on est aussi des partenaires opérationnels, donc on staffe des gens en marketing, en finance, donc sur tous les aspects clés, en product management, en service clients, donc qui sont importants pour réussir une start-up. Et sans surcoût. Parce que notre initiative, c’est qu’ensuite la start-up ait une meilleure performance, qu’elle ait un meilleur impact et ensuite, du coup, l’investisseur est content, le fonds est content et l’entrepreneur est content. Donc il y a des manières de dérisquer.
Et bon, peut-être un dernier biais dont on peut parler rapidement, c’est le biais sectoriel. Pour moi, la technologie, c’est une opportunité horizontale, parce qu’en général, les gens vont dire : Ah, je vais réussir dans la tech et dans les autres secteurs. Je dis : Non, non, non… La tech, elle peut accélérer, tech-enabled, elle peut accélérer tous les secteurs de l’économie. Donc on peut avoir des entreprises qui, grâce à la technologie, ont des meilleures solutions logistiques, ont des solutions de distribution, des meilleures solutions de santé, des meilleures solutions de mode ou d’industries créatives, qui est aussi un très gros potentiel.
Et historiquement, il y a dix ans, l’essentiel des investissements qu’on voyait arriver était pour l’accès à l’énergie et l’accès aux services financiers. Et donc moi, c’est important qu’on le montre et c’est mon portefeuille aussi qui est assez éclectique. Donc il est toujours centré sur les entreprises technologiques, en revanche, sur tous les secteurs. Donc j’ai financé, et je finance toujours, la logistique, la santé, de l’industrie créative, de la mode, de la mobilité, du retail, du food, de l’agriculture, nourriture. Parce que c’est important. On est dans un contexte d’inflation : 60 % de la parité de pouvoir d’achat en Afrique va dans la nourriture. C’est peut-être pas le sujet le plus sexy pour la Silicon Valley, mais moi j’ai un énorme sentiment d’utilité en Afrique en faisant ça !
Mina Mammeri : Je comprends tout à fait votre démarche ! Vous trouvez que c’est compliqué d’être une femme entrepreneure ? Comment vous vous sentez perçue ?
Fatoumata Bâ : C’est marrant parce que j’en parlais hier soir à ma maman. Elle m’a rappelé beaucoup d’événements que je lui avais racontés, que j’avais oubliés. Et le nombre de fois où j’étais dans des rendez-vous, avec des gens de mes équipes qui étaient essentiellement africaines, mais quelquefois internationales sur des savoir-faire qui étaient par exemple nouveaux dans un pays donné, et où on va regarder la personne étrangère, donc le DG en face ! Ou des fois, on va me demander : bon, alors, est-ce que vous avez commencé à prendre des notes, parce qu’ils ont pensé que j’étais la secrétaire, qu’ils avaient du mal à imaginer que j’aurais pu être la présidente-directrice générale…
C’est la même chose : aujourd’hui, j’ai un fonds d’investissement qui est régulé. J’ai une licence de gestionnaire de fonds de l’Autorité des marchés financiers en France. Ça m’est arrivé plusieurs fois d’arriver dans des réunions de notre écosystème, qu’on me demande soit pour quel fonds je travaille, ou on m’a confondue une fois avec la head of ESG, donc l’impact social. En général, on va penser que les femmes font du partenariat, du marketing et de l’impact. Je trouve que ce sont des métiers très louables, que je salue ! En l’occurrence, je suis fondatrice, actionnaire majoritaire, présidente exécutive de mon fonds d’investissement, comme je l’étais de ma start-up.
C’est vrai qu’il y a quand même un chemin à parcourir, et c’est un chemin de perception, c’est un chemin d’opportunités. Une fois qu’on s’est dit ça, moi je pense que j’ai une énergie entrepreneuriale forte, parce que je vois des défis, qui sont les défis de mon continent. Je les vois comme des opportunités, si on sait les adresser. Et si on ne les adresse pas, je les vois comme des énormes risques. Et c’est pour ça qu’il y a un sentiment d’urgence qui est très élevé chez moi.
Mina Mammeri : Comment on peut faire, justement, pour relever ces défis ?
Fatoumata Bâ : Je ne sais pas si vous connaissez cette étude de la Fondation Mo Ibrahim, qui s’intéresse à la motivation de terroristes. Donc, dans les trois raisons qui étaient données, il y avait deux ou trois raisons, il n’y avait aucune raison idéologique, aucune raison théologique, aucune raison qui était vraiment liée à une foi.
La première raison, c’est qu’apparemment, ils avaient un salaire, tous les mois, 500 dollars. La deuxième raison, apparemment, c’est qu’ils avaient un statut social, parce qu’en étant au chômage, ils n’étaient pas considérés. Et voilà, et la troisième raison, c’était une raison encore plus triviale et personnelle... Des fois, il y avait des rapts, ils avaient par exemple la possibilité d’avoir une épouse.
Donc c’est des choses qui sont liées, je pense, à la motivation d’avoir des opportunités économiques décentes, de se sortir d’une situation difficile, et d’avoir un rôle dans la société. Et donc je me dis, si on arrive à donner des opportunités économiques décentes au plus grand nombre de jeunes africains, j’espère qu’il n’y aura plus grand monde dans des bateaux qui traversent la Méditerranée.
Et donc, pour moi, c’est une solution. Soit, en fait, je me résignais, parce que je suis un petit peu, vous l’avez compris, passionnée… C’est des choses qui me réveillent la nuit, typiquement ! Soit on se résigne, et on sait qu’on va vers le chaos. Parce qu’en fait, en général, les Occidentaux disent que sans paix, vous n’avez pas de prospérité économique. Pour moi, c’est le contraire ! Sans prospérité économique, vous n’avez pas de paix. Donc soit on se résigne à quelque chose qui ne va pas être très sympa dans 30 ans : il y aura 900 millions de personnes qui n’auront pas accès à l’emploi. Soit on se dit : ah non, c’est une opportunité, on va y arriver, il faut qu’on y arrive !
La technologie, c’est un levier accélérateur incroyable, parce qu’en fait, ça nous permet de faire des sauts quantiques. On a vu tous comment on était capables de passer de taux de bancarisation très faibles à un accès maintenant aux services financiers mobiles qui est le plus développé du monde : 50 à 60 % du PIB du Kenya passe avec des services financiers mobiles, ça n’existe pas ailleurs, ça n’existe pas dans la Silicon Valley, ça n’existe pas en Chine, au Japon, ou que sais-je…
Donc, on a la technologie qui peut nous permettre, je pense, de faire ces bonds impressionnants dans le progrès. On a, je l’espère, l’entrepreneuriat qui est un vecteur de création d’emplois, donc des gens qui ont créé leur propre emploi et qui vont en créer pour les autres. Et ensuite, pour moi, le capital-risque, en tout cas comme je le pratique, qui pour moi peut être un vecteur d’égalité. Et mon premier fonds, je l’ai investi dans 56 % de femmes. Et aujourd’hui, on a été soutenus par des investisseurs de premier plan, donc au nombre desquels évidemment la Banque africaine de développement, mais aussi la Banque européenne d’investissement, mais aussi Proparco, donc la partie financière de l’Agence française de développement, mais aussi, et avec beaucoup de fierté, beaucoup d’investisseurs commerciaux.
On a par exemple une entreprise allemande qui fait plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, et une deuxième entreprise allemande qui est aussi leader dans son domaine des médias. Et enfin, par exemple, on a un investisseur qui est très iconique dans le monde de la gestion d’actifs, parce qu’il a cofondé les entités européennes et d’Asie du Sud-Est d’un des plus gros asset manager dans le monde, qui s’appelle KKR (KKR en français).
Et donc ça vous montre aussi qu’il y a des gens, comme les financiers du développement, qui se disent : on va investir dans le fonds de Fatoumata parce qu’elle va investir dans des start-ups qui vont créer de l’impact. Mais il y a aussi des gens qui se disent : on va investir dans le fonds de Fatoumata parce qu’elle va investir dans des start-ups qui génèrent une performance économique forte. Et l’un va avec l’autre, l’un doit aller avec l’autre dans le contexte africain qu’on vit aujourd’hui et qui nous attend dans 30 ans.
Mina Mammeri : Alors on se rencontre aujourd’hui dans le cadre d’Africa Investment Forum ? Quelles sont vos impressions sur l’événement, sur la plateforme ?
Fatoumata Bâ : Pourquoi j’aime AIF, c’est que pour moi, c’est le seul événement qui est à l’intersection de deux choses essentielles : c’est quand même l’Afrique et, deux, c’est la notion d’investissement et de deal. Vous avez soit beaucoup d’investissements, parce que vous avez soit beaucoup d’événements qui sont centrés sur l’investissement, mais qui sont soit globaux, ou qui ont une thématique emerging markets. Dans l’emerging markets, ou les marchés émergents, vous pouvez mettre aussi bien l’Amérique latine que l’Asie du Sud-Est, ce n’est pas toujours le plus pertinent pour nous, Africains. Soit vous avez des événements qui regardent l’Afrique, mais qui vont le regarder sous un angle de régulation, de policy making, d’autres thèmes qui sont des thèmes importants, mais pas sur l’angle de l’investissement.
Or, je l’indiquais, l’Afrique, c’est encore moins de 6 % des investissements directs étrangers (IDE), et c’est moins de 1 % du capital-risque. Donc on a besoin de plus de deals, et on a besoin de plus d’investisseurs qui cherchent la performance économique, qui prennent leurs responsabilités d’acteurs de l’inclusion sociale et d’impact environnemental positif, et qui le font, voilà, avec une mentalité que promeut l’AIF.
J’étais très, très, très heureuse de voir aussi qu’il y a beaucoup d’acteurs africains de fonds. Alors moi, de mon côté, c’est intéressant de voir des investisseurs potentiels dans mon fonds. Mais là où c’était assez fascinant, c’est de voir le nombre de demandes que j’ai de start-ups qui souhaitent recevoir un investissement de mon fonds. Donc le deal making se fait dans les deux sens, n’est-ce pas ?
Mina Mammeri : Merci de nous avoir transposés dans cet avenir dynamique et optimiste, où générer des profits tout en exerçant un impact social devient possible, où les nouvelles technologies seront LE levier du développement africain, notamment pour faire face aux enjeux d’emploi des jeunes.
C’était Fatoumata Bâ, fondatrice et présidente de Janngo Capital, au micro de Mina Mammeri. Vous écoutez Making a Difference, le podcast de la Banque africaine de développement, le podcast qui raconte l’histoire d’une Afrique dynamique.
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