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L’économie bleue, un secteur prometteur pour l’Afrique

L’économie bleue comprend les territoires maritimes et fluviaux. De cet or bleu découle à la fois des enjeux complexes et des impacts puissants. Quel lien avec la croissance économique d’un pays ? Quels impacts pour l’économie bleue en Afrique sur l’emploi des jeunes, sur la sécurité alimentaire ? Le secteur s’inscrit-il dans une perspective durable ? Philippe Tous, halieute et chargé principal des ressources naturelles auprès de la Banque africaine de développement, nous éclaire dans cet épisode de Making a Difference

Transcript

Philippe Tous : L'Afrique dispose d'un territoire maritime absolument gigantesque, de l'ordre de 13 millions de kilomètres carrés, ce qu'on appelle les zones économiques exclusives. Donc c'est des zones au-delà des eaux territoriales, jusqu'à 370 kilomètres au large des côtes, et ces zones sont sous la juridiction des États côtiers et des États insulaires. Voilà. C'est l'équivalent de plus de 40 % de la superficie terrestre de l'Afrique. 

Mina Mammeri : Ces territoires marins gigantesques en Afrique que Philippe Tous mentionne relèvent de l’économie bleue. Pour les institutions internationales, l'économie bleue, c’est la gestion intégrée et durable des espaces marins et côtiers, des eaux continentales et des ressources naturelles que ces espaces renferment. Bon nombre de pays africains reconnaissent d’ailleurs l’importance de l’économie bleue et ont entrepris des démarches pour la développer. Décryptons ce secteur en pleine évolution dans notre podcast Making a Difference avec Philippe Tous, halieute et chargé principal des ressources naturelles auprès de la Banque africaine de développement. 

L’économie bleue est souvent présentée comme l’une des clés pour libérer le potentiel économique. Quel lien on peut factuellement établir, pour un pays, entre sa croissance économique et l’accès à une mer ou à un océan ? 

Philippe Tous : Si on regarde l'histoire, depuis le XVᵉ siècle, toutes les grandes puissances économiques mondiales ont été des puissances maritimes. Et des historiens ont écrit que la maîtrise des océans a toujours été synonyme de maîtrise du commerce international, et donc maîtrise des richesses. C'est vrai historiquement. Maintenant, je vais expliquer que ce n'est pas forcément systématique, ce n’est pas toutes les puissances maritimes qui sont devenues de grandes puissances. 

Mais ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que l'Afrique dispose d'un territoire maritime absolument gigantesque, de l'ordre de 13 millions de kilomètres carrés, ce qu'on appelle les zones économiques exclusives. Donc c'est des zones au-delà des eaux territoriales, jusqu'à 370 kilomètres au large des côtes, et ces zones sont sous la juridiction des États côtiers et des États insulaires. Voilà. C'est l'équivalent de plus de 40 % de la superficie terrestre de l'Afrique. 

Et les pays côtiers, dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ont la responsabilité de gérer ces espaces et de gérer durablement les ressources maritimes. Ça, c'est depuis les années 1970. Et c'est paradoxal, parce qu’en fait depuis 50 ans, ces zones économiques exclusives sont sous la juridiction des États côtiers. Très peu de pays africains se sont vraiment investis dans l'appropriation de ces espaces et de ces ressources. 

Vous allez me dire c’est parce que bon… on a beaucoup d'autres priorités ! Oui, c'est vrai. Beaucoup de pays africains ont d'autres priorités, mais il faut voir aujourd'hui que tout est lié. Si vous voulez développer le commerce, vous avez besoin de ports. Si vous n’assurez pas la sécurité maritime, vous laissez le piratage et la piraterie s'installer. Vous aurez des menaces sur la pêche, etc. Donc il y a vraiment aujourd'hui, je dirais, une urgence à se tourner vraiment vers la mer, à ce que les pays africains exercent leur souveraineté sur ces espaces maritimes par des moyens de contrôle, de sécurisation de l'espace maritime. C'est vital pour l'avenir de la pêche ou de l'avenir du commerce maritime. 

La part aujourd'hui de l'Afrique dans le commerce maritime est vraiment infime. C'est quelques pourcents, alors que plus de 80 % des marchandises, aujourd'hui, s'échangent par voie maritime, au niveau mondial. Donc il faut vraiment investir dans l'appropriation de l'espace maritime pour que les États soient souverains sur leur espace maritime, pour pouvoir réaliser ce potentiel des futures activités de l'économie maritime. 

Mina Mammeri : Est-ce que l’Afrique a tourné le dos à la mer ? Ou plutôt, est-ce que tous les pays africains ont pu, ont su exploiter l’atout d’une façade maritime ? 

Philippe Tous : Ce n'est pas vrai que tous les pays africains ne se sont pas investis dans la mer. 54 pays en Afrique, 32 ont une façade maritime et six sont des îles ou des archipels, dans l'océan Indien et dans l'océan Atlantique. Alors oui, on dit que l'Afrique a tourné le dos à la mer. C’est pas vrai du tout. Il y a eu énormément d'échanges avec les autres continents par voie maritime. 

Deux grandes régions, en particulier la Méditerranée, à travers laquelle on a eu toujours des communications entre l'Europe et l'Afrique. Et puis l'océan Indien et la mer Rouge, avec des voies d'échanges très anciennes avec l'Asie et le Moyen-Orient. C'est des régions où on trouve des grands ports historiques et il y a des grandes traditions de navigation. Donc c’est pas vrai, toute l'Afrique n'a pas tourné le dos à la mer.  

Maintenant quels pays ont vraiment profité de ce potentiel récemment ? Je dirais depuis la dernière décennie du XXᵉ siècle, depuis une génération, la seule activité vraiment économique, c'était la pêche. C'est vrai qu'on n'avait pas encore toutes ces histoires de câbles sous-marins ou d'énergie éolienne en mer, mais c'est un paradoxe puisqu’en Afrique, on a deux des zones les plus productives au monde en termes de pêche, ce qu'on appelle le courant des Canaries en Afrique du Nord-Ouest, et puis le grand écosystème marins du courant de Benguela, au large de la Namibie et de l'Angola. Ces deux zones sont parmi les plus productives au monde pour la pêche et ces ressources sont exploitée par des flottilles étrangères, jusqu'à la création des zones économiques exclusives. Cette situation, en fait, a perduré même après la création des zones économiques exclusives, donc ça a retardé, je dirais, l'appropriation de ce secteur par les pays côtiers, à l'exception peut-être du Maroc, qui a une longue tradition dans la valorisation des produits et l'exploitation par lui-même de ses ressources halieutiques. 

Alors, il y a des pays qui ont développé le secteur du tourisme de façon très réussie ! Voilà. Que ce soit le tourisme balnéaire ou le tourisme de plongée ou de pêche sportive, avec des fois des retombées économiques pas toujours vers les communautés locales, c'est vrai, mais ça reste évident dans des pays insulaires comme Cabo Verde ou les Seychelles. Alors, les Seychelles, c'est vraiment l'exception qui confirme la règle puisque si on cumule le tourisme et la pêche, c'est plus de 80 % du produit intérieur brut du pays qui provient de l'économie bleue. 

Mina Mammeri : Pour certains pays, c’est parfois moins facile de développer ce secteur, pour quelles raisons selon vous ? 

Philippe Tous : Il y a quelquefois des facteurs géographiques ou historiques qui font que ce n'est pas facile de développer les secteurs de l'économie bleue. Si on pense aux ports, souvent, lorsqu'on regarde des pays insulaires, on se dit mais où sont les ports ? Où sont les grands ports ? Pourquoi c'est pas un hub international ? 

Je prends l'exemple de ces îles volcaniques, comme le Cabo Verde ou Maurice, qui sont des îles volcaniques, c'est-à-dire sans plateforme continentale. Il n'y a pas de plateau, donc en fait, il y a très peu de poissons autour de ces îles. Les seuls poissons qu'on y trouve, ce sont les grands migrateurs, comme les thons, les espadons, qui sont des poissons qui migrent à travers les océans et qui ne sont jamais sur place, stables, permanents, sur une zone économique exclusive. 

Donc ces ressources, donc comme le thon, sont exploitées par des grands bateaux industriels. Il faut des flottes très puissantes pour pêcher ces ressources. Et pour que ces grands bateaux industriels viennent débarquer dans un port, il faut qu'il y ait des conditions attractives. Il faut qu'il y ait des conditions, des services, pour permettre l'entretien de l'avitaillement de ces bateaux. Il faut qu'il y ait des conserveries, pour que les bateaux aient un intérêt à débarquer leur capture dans ces ports. 

Donc, historiquement, on a des pays qui n'ont pas du tout développé ce genre de services et ont du mal à rattraper aujourd’hui leur retard. Donc, on le voit aujourd'hui au Cabo Verde, on essaye d'imaginer à Sao Tomé-et-Principe, par exemple, comment développer des services et des industries qui permettront d'attirer ces grandes flottilles. 

D'autres pays ont des conditions d'accès malheureusement très difficiles. Il y a des pays dont le littoral est difficile d'accès, avec des très fortes marées, des zones de mangroves, des zones d'estuaires qui sont extrêmement difficiles pour la navigation et dans lesquelles on ne peut pas faire de port en eaux profondes. Donc ça limite vraiment beaucoup le potentiel de création de l'économie bleue. Sans port, c'est assez difficile de développer d'autres activités du secteur de l'économie bleue. Je pense à des pays comme la Guinée-Bissau, par exemple, qui sont vraiment pénalisés par ça, parce qu’il y a très, très peu d'opportunités de créer des grands ports.  

Historiquement aussi, bon, on a des pays qui ont… Alors là, je parle d'une économie bleue moins bleue, mais c'est vrai que pendant longtemps l'exploitation des hydrocarbures en mer était limitée à quelques pays dans le golfe de Guinée principalement. Et aujourd'hui, les découvertes se multiplient absolument partout. On trouve du gaz et du pétrole en mer, aussi bien en Afrique de l'Ouest que dans l'océan Indien. Et il est clair que ça crée un potentiel de développement de l'économie maritime pour de nouveaux pays. 

Mina Mammeri : C’est une économie qui pourrait avoir des conséquences sur l’emploi en Afrique ? Par exemple, quelles tranches d’âge, quels types de métiers pourraient être favorisés ? 

Philippe Tous : Personnellement, je n'ai vraiment pas d'inquiétude là-dessus, je n'ai pas de doute. Maintenant, il faut être réaliste, voir dans quel ordre les choses vont se passer. Jusqu'à maintenant, le principal secteur de l'économie bleue, ça reste la pêche. C'est vrai, en tout cas en termes d'emplois. La pêche, en particulier la pêche artisanale, la petite pêche, c'est plus de 12 millions d'emplois sur le continent africain, dont la moitié occupés par des femmes. 

Donc la pêche artisanale, c'est clairement le premier secteur en termes d'emplois, d'une extrême importance également en termes de moyens d'existence pour de très nombreuses communautés littorales, mais avec un gros problème, c'est que le secteur est presque totalement informel. Plus de 90 % du secteur de la pêche artisanale est informel, avec d'énormes contraintes de développement social et humain. C'est parce que c'est un secteur d'activité qui est très dispersé, donc on a très peu d'infrastructures et un manque total de services de base : la santé, l'éducation, l'accès au crédit dans beaucoup, beaucoup de communautés côtières. 

Et ça, c'est vraiment très dommageable, parce que si on accordait une grande attention au secteur de la petite pêche, on verrait que d'abord, on contribue aux moyens d’existence de plusieurs centaines de millions de personnes et à la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes sur le continent. Donc, vraiment, c'est un secteur qui mérite d'être soutenu, pour permettre aux futurs jeunes pêcheurs de vivre dans des conditions décentes, d'avoir un accès aux services de base, en particulier aux femmes. 

Bien sûr, cette pêche n'est pas LE secteur de l'avenir, je vous vois venir... Mais là, il y a un dilemme. Parce que la première tentation, c'est quand même de se tourner vers l'exploitation des ressources non renouvelables : le pétrole, le gaz offshore. On en découvre absolument partout. Il y a également les minéraux sous-marins. Et on a besoin de matériaux comme le sable, le gravier, on a besoin d'extraire ces minéraux. On en a besoin immédiatement. L'Afrique a vraiment besoin d'énergie. Elle a besoin de matériaux pour développer ses infrastructures. C'est un besoin à court terme, qu'il faut satisfaire.  

Mais on est bien conscients que ces industries extractives-là concernent des ressources non renouvelables. C'est-à-dire que le pétrole, on exploite un puits de pétrole pendant 20 ans, 30 ans et puis c'est terminé. Alors, en termes de richesse, c'est intéressant à court terme, mais sur le long terme, c'est non seulement pas viable sur le plan économique et sur le plan de l'emploi, mais l'exploitation de ces ressources entraîne des dégâts considérables sur l'environnement. 

Donc je dirais, à long terme, ces industries extractives ne sont pas des bonnes options. Ce sont des ressources épuisables, et leur exploitation entraîne des dégâts sur l'environnement et sur la santé des écosystèmes, donc sur la productivité des ressources, en particulier pour la pêche. 

Quels autres secteurs pour l'avenir ? Il faut se tourner vers les secteurs, à mon avis, les vrais secteurs innovants, ceux qui sont compatibles en plus avec la préservation à long terme des ressources naturelles. Et là, il faut penser aux énergies marines, donc les énergies durables éoliennes, les énergies tirées de l'océan, des courants marins, des marées, etc., penser à des formes durables d’aquaculture, penser au tourisme, et puis penser à tout ce qui est émergent, c'est-à-dire la biotechnologie, la génétique, la gestion des déchets, la restauration des écosystèmes… 

Et là, on va avoir besoin de tout un tas de nouvelles qualifications, de nouvelles compétences scientifiques, techniques. Je dirais que là, pour toutes les jeunes générations actuelles et à venir, il y a vraiment un potentiel énorme. Et on va avoir besoin de spécialistes dans la dépollution, dans la restauration des écosystèmes, des lagunes, des estuaires. Il faut penser à toute l'économie circulaire qui peut encore se mettre en place dans beaucoup de secteurs. Il faut développer de nouvelles formes de shipping, de transport maritime, penser par exemple au cabotage des petites lignes de transport maritime entre les pays côtiers de l'Afrique, et ça va être extrêmement pertinent dans le cadre de la zone de libre-échange à l'échelle du continent. 

Et il faut que l'Afrique s'implique dans la sécurisation de son espace maritime. Il y a aussi du travail dans la prévention et la lutte contre la piraterie, contre la pêche illicite. Tout ça pour une pêche, un commerce et un tourisme durables. Si ces conditions sont réunies, les possibilités de création d'emplois se chiffrent en dizaines de millions et dans les deux ou trois prochaines décennies. 

Vous écoutez Making a Difference, le podcast qui raconte l’histoire d’une Afrique dynamique. 

Mina Mammeri : On utilise les eaux pour le tourisme, les produits de la mer, le transport maritime, les énergies marines, les services pétroliers, entre autres… L’utilisation des ressources océaniques ne semble pas toujours respecter de cycles durables. Développer en bleu, c’est vraiment durable ? 

Philippe Tous : il y a une certaine urgence dans les choix politiques en matière de développement. Ce que je vais dire n'engage que moi, mais c'est vrai qu'actuellement on a un grand débat sur, par exemple, l'opportunité ou pas d'exploiter les ressources pétrolières en Afrique. L'Afrique, étant le continent qui a le moins contribué au réchauffement climatique, se dit : pour assurer notre transition, on a besoin quand même d'exploiter ces ressources. Donc les énergies fossiles, on en a besoin dans l'immédiat. 

Et est ce qu'on peut les exploiter de façon raisonnable, de façon propre ? Je pense que oui. Je pense que oui. Les technologie nous permettent aujourd'hui de réduire les risques et de minimiser les risques. Bien sûr, (avec) une contribution au réchauffement climatique. Mais dans tous les cas, la contribution de l'Afrique restera très minime par rapport aux puissances mondiales. Donc je dirais que oui, il faut en passer par là. Peut-être utiliser ces ressources parce qu'on en a un besoin immédiat, le faire avec le maximum de précautions, pour aider l'Afrique aussi à assurer sa transition énergétique, parce qu'on ne pourra pas passer du jour au lendemain, évidemment, à de l'énergie uniquement renouvelable. On aura également besoin sans doute d'exploiter les minéraux marins et littoraux dont on a besoin pour la transition énergétique. 

On sait bien que toutes ces menaces liées au changement climatique doivent justement nous inciter à ne pas polluer l'océan plus qu'il ne l'est, à protéger les littoraux, à restaurer les mangroves, à restaurer les récifs coralliens, toutes les zones humides, les lagunes. On a besoin de ces écosystèmes pour nous protéger contre le changement climatique, c'est-à-dire contre l'élévation du niveau de la mer, contre les événements météorologiques extrêmes, contre les tempêtes. On a besoin de ces mangroves, on a besoin de ces récifs coralliens qui protègent les côtes. Donc maintenir ces océans en bonne santé, ça nous permet déjà de répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels des populations, à travers la pêche. 

Mina Mammeri : Quel potentiel vous voyez pour les énergies marines ? Elles sont d’un coût abordable ? Elles sont faciles à mettre en place ?  

Philippe Tous : Le Centre africain de gestion des ressources naturelles et d'investissement de la BAD a publié une étude sur le sujet. C’est vraiment une première étude, je pense, pour essayer de déterminer le potentiel des énergies marines en Afrique. Et l'étude a examiné les six grands types d'énergie existantes, c'est-à-dire l'énergie de la houle, donc les grandes vagues qui traversent l'océan, l'énergie des marées, l'énergie des courants marins, la conversion de l'énergie thermique et les énergies éoliennes en mer, ainsi que l'énergie solaire flottante. 

Donc ce rapport montre que la qualité de l'électricité qui pourrait être produite par ces énergies est assez élevée, parce qu'elle est relativement stable, moins variable que certaines énergies renouvelables à terre, c'est le cas en particulier pour l'éolien, et il montre qu'il y a un fort potentiel pour l'une ou l'autre de ces énergies. Je dirais au niveau des différentes régions du continent africain, certaines régions disposent d'un fort potentiel pour l'énergie éolienne, d'autres d'un très fort potentiel pour les énergies de marées ou pour les énergies issues des échanges thermiques. 

Il y a de bonnes perspectives de développer ces énergies, en particulier pour les petits États insulaires. D'abord parce que ces États sont confrontés à des coûts beaucoup plus importants que les autres pays, lorsqu'il s'agit d'importer des hydrocarbures, par exemple, et puis parce qu'ils disposent de peu d'espaces terrestres pour développer des fermes solaires, par exemple. Donc, voilà, pour les petits États insulaires, je dirais que très bonne idée de donner la priorité au développement de ces énergies en mer. 

Maintenant, ce qu'il faut, c'est que le continent acquière les compétences techniques. Les technologies sont en plein développement. On le voit en Europe, en Asie, on a pratiquement chaque jour un nouveau modèle d'hydrolienne ou d'éolienne qui se développe. Il faut former des ingénieurs, des techniciens. Il faut vraiment investir là-dedans. 

Mina Mammeri : La définition de l’économie bleue présente l’idée d’une gestion intégrée des espaces marins, comment on pourrait illustrer cette idée d’intégration ? 

Philippe Tous : L’économie bleue, ça demande beaucoup de coordination. De concertation, d’abord, et de coordination ensuite à différents niveaux. J’ai été très impressionné de voir qu’il existe déjà des réseaux régionaux, un pour l’océan Atlantique, un pour l’océan Indien, un pour l’Afrique du Nord. Ces réseaux qui réunissent donc les gestionnaires des ports, les autorités portuaires, sont très engagées dans la mise en œuvre de normes communes, avec des ambitions très élevées, des fois, en termes de respect de l’environnement, de prévention et de lutte contre les pollutions. On voit que quelques fois, donc ce sont les acteurs du privé, qui sont vraiment à la pointe et qui font tout pour devenir des ports verts ou des port bleus, avec des normes souvent supérieures à celles imposées par les États. Ce qu’on essaie de faire, c’est d’encourager la communication, les échanges, entre ces réseaux qui existent et les communautés économiques régionales, qui sont quand même des instances de décisions politiques, de plus en plus, voir comment les communautés économiques régionales en Afrique pourraient s’inspirer du savoir-faire de ces réseaux portuaires, par exemple. 

Des fois, il faut travailler à d’autres échelles. Par exemple, dans le domaine de la pêche, les ressources halieutiques sont toutes partagées, on le sait, et les poissons ne voient pas nos frontières. Et donc, il faut gérer ces ressources aussi à la bonne échelle. Donc on a des organisations pour gérer les ressources en thon, mais il faut des organisations de gestion à d’autres échelles, pour les ressources côtières par exemple. Donc il faut donner aussi plus de force, je dirais, à ces organisations spécialisées qui existent, ce qu’on appelle les organisations régionales de gestion des pêches, il faut leur donner les moyens d’exercer un véritable mandat de gestion. Il faudrait qu’elles soient reconnues comme des commissions techniques, des communautés économiques régionales. Il n’y a pas de formule unique du moment qu’on est dans la bonne philosophie d’avoir une approche inclusive et équitable. 

Mina Mammeri : L’économie bleue, un levier de croissance, un levier de développement qui, grâce à la bonne gestion des pêches, pourrait permettre de faire face aux enjeux de sécurité alimentaire sur le continent africain, sans compter les emplois que le secteur pourrait générer en se développant. 

C’était Philippe Tous, au micro de Mina Mammeri. Vous écoutez Making a Difference, le podcast de la Banque africaine de développement, le podcast qui raconte l’histoire d’une Afrique dynamique. 

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