L’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’en 2040, les fabricants de technologies d’énergie propre auront besoin de quarante fois plus de lithium, vingt-cinq fois plus de graphite et environ vingt fois plus de nickel et de cobalt qu’en 2020.
Pour exploiter cette opportunité, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (UNECA) se sont réunis en 2021 avec la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), la Banque africaine de développement, Africa Finance Corporation et d’autres entités, afin d’identifier des moyens de canaliser des investissements pour accroître la part de l’Afrique dans la chaîne de valeur des batteries lithium-ion, des véhicules électriques et de l’énergie propre.
La RDC possède 51 % des réserves mondiales de cobalt ainsi qu’un énorme potentiel d’énergie hydroélectrique. Le pays est donc particulièrement bien placé pour devenir un producteur de matériaux précurseurs et de cellules de batteries lithium-ion à faible coût et à faibles émissions, indique un rapport de la Banque africaine de développement intitulé « Renforcer le rôle de l’Afrique dans la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques ». En outre, la RDC et la Zambie sont les plus grands producteurs africains de cuivre, un composant important dans le câblage et les moteurs.
Une étude a été commandée à BloombergNEF concernant la faisabilité de la création de zones économiques spéciales (ZES) pour la fabrication de précurseurs de batteries en RDC et en Zambie. Elle a confirmé que le projet était techniquement réalisable et financièrement viable, avec un coût total estimé à 2,7 milliards de dollars.
« Selon le rapport BloombergNEF, une usine de précurseurs en RDC serait trois fois moins chère qu’une usine similaire aux États-Unis, en raison de la compétitivité des coûts et de la proximité des matières premières », a relevé Mme Oluranti Doherty, directrice du développement des exportations à Afreximbank. Les précurseurs de batteries sont utilisés dans les batteries lithium-ion.
Afreximbank a depuis passé un contrat avec ARISE Integrated Industrial Platform, l’un des principaux promoteurs de zones économiques spéciales en Afrique, pour la réalisation d’une étude de préfaisabilité pour les ZES.
Une fois pleinement mis en œuvre, le projet devrait faire progresser plusieurs Objectifs de développement durable des Nations unies (en particulier l’objectifs 8 pour un travail décent et la croissance économique, et l’objectif 9, pour l’industrie, l’innovation et l’infrastructure), stimuler les recettes en devises, permettre le transfert de technologies et la montée en compétences des communautés locales, et créer plus de 40 000 emplois directs et 160 000 emplois indirects dans les deux pays.
Les batteries lithium-ion dominent le marché des véhicules électriques et représentent environ 49 % du marché mondial des batteries rechargeables. De nombreux minéraux nécessaires à leur production, notamment le cobalt, le lithium, le manganèse, le nickel et le graphite, sont disponibles en République démocratique du Congo, en Zambie, en Afrique du Sud, à Madagascar, au Mozambique, en Tanzanie ou au Gabon, entre autres. On estime que la RDC, à elle seule, disposerait de plusieurs millions de tonnes de réserves de lithium. Et ce n’est pas tout : les ressources minérales actuellement confirmées en Afrique pourraient n’être que la partie émergée de l’iceberg. En effet, des formations géologiques similaires sur le continent, susceptibles de donner lieu à de nouvelles découvertes, n’ont pas encore été explorées, et les travaux d’exploration en cours continuent de faire des découvertes.
D’autres sont conscients du potentiel de la région en tant que plaque tournante des chaînes de valeur. En décembre dernier, en marge du Sommet des dirigeants États-Unis–Afrique à Washington, les États-Unis ont signé un protocole d’accord avec la RDC et la Zambie afin de développer une chaîne de valeur intégrée pour la production de batteries de véhicules électriques dans les deux pays africains.
Les batteries au lithium offrent également des possibilités énergétiques au-delà des véhicules électriques. Elles constituent le meilleur moyen de stocker l’électricité produite à partir de sources éoliennes, solaires et hydroélectriques, ce qui permet de résoudre leur problème d’« intermittence ». Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande de minéraux verts, notamment le cuivre, le graphite et les minéraux de terres rares, est appelée à augmenter, car les pays riches cherchent à décarboniser leur économie, en passant en partie à un système d’énergie propre.
Pourcentage des réserves mondiales prouvées de minéraux critiques en Afrique et augmentation prévue de la demande mondiale
Source : Renforcer le rôle de l’Afrique dans la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques, Banque africaine de développement, avril 2023
Le développement de chaînes de valeur de véhicules électriques dans des pays riches en minéraux comme la RDC et la Zambie permettrait aux investisseurs d’exploiter un marché des véhicules électriques (VE) en pleine expansion, dont la valeur devrait atteindre jusqu’à 57 000 milliards de dollars d’ici à 2050.
Cependant, des investissements importants dans les infrastructures de la chaîne d’approvisionnement sont nécessaires pour transformer le continent en centre mondial de production de batteries. Cela impliquera de créer un environnement capable d’attirer le secteur privé, qui possède l’expertise technique et le savoir-faire logistique nécessaires pour dynamiser le secteur manufacturier africain, tout en assurant des retours sur investissement élevés.
En juin 2023, le Royaume du Maroc a signé un accord de 6,4 milliards de dollars avec le fabricant chinois de batteries Gotion High-Tech Co pour la construction d’une usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques dans la région de Rabat-Salé-Kénitra. Cette usine aura une capacité annuelle de 100 gigawatts. Gotion est l’un des dix plus grands fabricants de batteries au monde et est coté à la bourse de Shenzhen en Chine et à la bourse de Zurich en Suisse, avec des actionnaires tels que Volkswagen.
C’est là que l’Africa Investment Forum (AIF) peut jouer un rôle important. Initiative de huit partenaires au développement, l’AIF examine et structure les transactions pour les préparer à l’investissement. Son événement annuel, les Market Days, réunit des promoteurs de transactions, des investisseurs, des responsables gouvernementaux et des institutions de financement du développement afin d’évaluer une réserve de transactions et de les faire progresser vers la clôture.
La fabrication de batteries vertes sera un secteur prioritaire lors des Market Days 2023, qui auront lieu du 8 au 10 novembre à Marrakech, au Maroc, sur le thème suivant : « Débloquer les chaînes de valeur de l’Afrique ». Les autres secteurs à l’honneur lors des Market Days 2023 comprennent les énergies renouvelables, l’agro-industrie et d’autres domaines dans lesquels les pays africains disposent d’un avantage comparatif.
Les huit partenaires fondateurs de l’Africa Investment Forum sont Africa50, Africa Finance Corporation, Afreximbank, la Banque africaine de développement, la Banque de développement de l’Afrique australe, la Banque européenne d’investissement, la Banque islamique de développement et la Banque de commerce et de développement de l’Afrique orientale et australe.
- Ecoutez le président du groupe de la Banque africaine de développement sur la fabrication de batteries lithium-ion en Afrique (courte vidéo)